Historique
Dans le petit village de Mézières, des notables envisagent de célébrer le centième anniversaire de l’entrée du canton de Vaud dans la Confédération. Le projet se concrétise avec la création d’une œuvre dramatique directement rattachée à l’histoire de la région : La Dîme de René Morax, interprétée uniquement par des amateurs.
Ce premier spectacle à la campagne est joué dans le hangar des tramways de la ligne Lausanne-Moudon, juste inaugurée. Le succès est énorme et le défi est lancé : construire à Mézières une salle de mille places tout en bois, loin des dorures et des velours rouges traditionnels.
L'architecture unique du Théâtre du Jorat
Le Théâtre du Jorat fait écho au Théâtre du Peuple à Bussang en France et au Tellspielhaus à Altdorf, dont René Morax a étroitement suivi le développement. Ces trois lieux de culture ont un objectif similaire : créer un théâtre populaire dans un cadre rural, dont les représentations sont interprétées par des amateurs. L’architecture unique et sublime du Théâtre du Jorat se situe donc à la croisée de l’espace germanophone et des influences issues de France, une singularité.
René Morax ayant peu de fonds pour acquérir les matériaux nécessaires à la construction de ce théâtre à la campagne, il décide de se tourner vers le bois et les tuile. Dans le cas où le projet ne fonctionnait pas, il avait été convenu que les matériaux soient revendus à un artisan de la région. Heureusement, le succès est au rendez-vous… Et la Grange sublime est construite en reprenant l’esthétique des fermes du Jorat. Un clin d’œil qui positionne le Théâtre du Jorat dès sa création comme un lieu de culture(s) en profonde résonnance avec son environnement.
La particularité du Théâtre du Jorat est sans nul doute sa structure de grange, construite en épicéa de la région. Mais, l’idée centrale de ce palais de bois est que chaque spectateur puisse avoir une vue optimale de la scène, d’ordinaire obstruée par la configuration des balcons en corbeille du théâtre à l’italienne. La scène du Théâtre du Jorat est imposante : 10 mètres d’ouverture de rideau, 12 mètres de profondeur et 25 mètres de largeur. En face lui répond une salle en grand plan incliné et équipée de bancs.
Cette configuration nouvelle et profondément populaire offre un échange privilégié entre le public et les artistes, qui se voient beaucoup mieux.
Le Théâtre du Jorat est inauguré en 1908 par René Morax, accompagné du scénographe visionnaire et metteur en scène genevois Adolphe Appia. On y joue une nouvelle œuvre de René Morax, Henriette. Bijou architectural, l’activité culturelle y est florissante.
La Grange sublime est un lieu singulier, synthèse des influences de René Morax. Ce dernier se base sur le Théâtre parisien et les expériences populaires faites en France, ses séjours à Bayreuth et Berlin, ainsi que du concept de « Gesamtkunstwerk » de Wagner pour créer à Mézières un théâtre d’exploration artistique, mais intrinsèquement populaire.
Jusqu’en 1947, un grand spectacle a lieu tous les deux ans environ (sauf pendant les deux guerres mondiales). Plusieurs créations restées célèbres voient le jour au sein de la Grange sublime : Aliénor (texte de René Morax et musique de Gustave Doret) en 1910, Guillaume Tell en 1914 (texte de René Morax et musique de Gustave Doret), Le Roi David (texte de René Morax, musique d’Arthur Honegger) en 1921 ou encore La Servante d’Evolène (texte de René Morax, et musique de Gustave Doret) en 1937. Particulièrement innovantes pour l’époque, ces pièces font du Théâtre du Jorat un espace de culture populaire incontournable.
De nouveaux auteurs comme Jean Villard Gilles (Passage de l’Étoile en 1950 et La Grange aux Roud en 1960), Samuel Chevallier (Le Silence de la Terre, en 1953 puis reprise en 1980), Géo-H. Blanc (Le Buisson ardent en 1958), Jean-Daniel Bovey (Juste du Roi, adapté de Calderón en 1963), Henri-Charles Tauxe (Le Chevalier de Grandson en 1978) ou encore Emile Gardaz (La Croix du Sud en 1985) apparaissent, dont les œuvres font vivre le Théâtre.
En 1986, l’Opéra de Lausanne joue le premier opéra sur la scène de ce palais de bois : Le Couronnement de Poppée, opéra baroque de Claudio Montervedi. Le public est séduit, c’est un véritable triomphe ! Le Théâtre du Jorat se fait une renommée à l’internationale.
Une saison complète est mise en place chaque année d’avril à septembre, suite à la nomination de Jean Chollet à la direction du Théâtre. Sa gestion se professionnalise après plusieurs décennies de collaboration entre professionnels et amateurs miliciens de la région, une particularité du Théâtre du Jorat.
La Grange sublime est classée monument historique d’intérêt national.
Plusieurs travaux de restauration sont effectués, pour préserver le charme et l’architecture unique du lieu. On remplace l’intégralité des tuiles (1987) et des bancs de la salle (2008), sans oublier la réfection des loges (2010) !
Le Théâtre accueille des artistes romands et parisiens, tout en étant le lieu de nombreuses créations : Le Bourgeois gentilhomme de Molière, César Ritz and Co de Bernard Bengloan, Christophe Colomb de Jean Naguel, Farinet de Charles-Ferdinand Ramuz ou encore Zorba le Grec de Nikos Kazantzaki.
À l’occasion du 100ème anniversaire du Théâtre du Jorat, Jean Chollet écrit et met en scène M. René et le Roi Arthur, une création exclusive revenant sur l’histoire extraordinaire de la Grange sublime.
Michel Caspary est nommé directeur après le passage d’Anne-Catherine Sutermeister. Une quinzaine de spectacles sont joués chaque saison, dans une programmation éclectique, ouverte aux musiques actuelles.
La Grange sublime rejoint la Route européenne des Théâtres historiques, qui regroupe les 120 plus beaux, plus intéressants et mieux conservés théâtres européens. Ces monuments peuvent être visités et plongent les visiteurs dans l’histoire de l’Europe, de la Renaissance au 20ème siècle.
Le Théâtre du Jorat participe aux Journées européennes du patrimoine.
Deux nouvelles co-directrices entrent en fonction : Ariane Moret à la direction artistique et Nathalie Langlois à la direction administrative. Ce tandem féminin reprend les rênes après les années marquées par le COVID-19.
Ariane Moret est nommée directrice du Théâtre du Jorat, après le départ de Nathalie Langlois. Elle y instaure une programmation populaire, pointue et poétique, révélant l’essence de la Grange sublime : un théâtre qui fait le grand écart entre deux mondes, où l’on s’y divertit tout en y expérimentant de nouvelles formes d’arts. Un théâtre d’exigence artistique accessible à tout le monde.
À l’automne, les travaux de restauration de la Grange sublime commencent. Leur réalisation se déploie durant la fermeture hivernale du Théâtre entre 2023 et 2024, selon un timing minutieusement planifié pour maintenir la vie artistique