Revivez l’allocution de la Conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider
Madame la Conseillère nationale,
Monsieur le Conseiller national,
Monsieur le Président du Grand Conseil,
Madame la Conseillère d’Etat,
Monsieur le Syndic de la Commune de Jorat-Mézières,
Monsieur le Président du Conseil de fondation,
Madame la Directrice,
Mesdames et Messieurs en vos titres, qualités et fonctions,
Amis des arts, des granges et des brigands, amis de la culture et des traditions vivantes.
Décidemment rien n’est banal dans le Jorat ! Tout y est extraordinaire !
Être accueillie ou plutôt rançonnée par des Brigands – au grand cœur et à la grande soif – est un accueil peu protocolaire mais ô combien apprécié ! Plusieurs membres du conseil fédéral ont été enlevés par vous, avant moi. Tous ont été relâchés bien vivants. Et je peux même affirmer qu’ils en gardent un excellent souvenir.
Cette tradition du canton de Vaud, entrée il y a quelques années dans son patrimoine immatériel me permet de souligner que la culture peut prendre les formes les plus diverses et c’est très bien ainsi. Et vous, Messieurs les Brigands, les bouteilles qui vous ont été remises pour me délivrer sont une occasion inespérée pour moi de faire la promotion des vins du… Jura !
Eh oui, Mesdames et Messieurs, le canton du Jura devient – peu à peu – un canton viticole. Et désormais, grâce aux Brigands, cela se sait !
Je disais, rien n’est banal dans le Jorat, tout y est extraordinaire, en particulier à Mézières !
En effet, comment imaginer que dans cette commune de Mézières – 1216 habitantes et habitants avant la récente fusion de commune – existe un théâtre aux dimensions si époustouflantes qu’il serait possible d’y faire tenir en même temps quasiment l’ensemble de sa population. Un théâtre à vocation populaire, un théâtre par le peuple et pour le peuple, avec toutefois des créations si impressionnantes et un succès public si fort qu’elles ont fait pâlir d’envie les plus grandes scènes.
Au fil des décennies, la programmation a épousé le credo artistique des directeurs et directrices qui se sont succédé à sa tête. Une constante : la volonté de rester dans la veine qui a fait son succès tout en tissant une programmation faites de spectacles populaires, de spectacles pointus ou encore poétiques pour reprendre les mots de la directrice Madame Ariane Moret.
Un théâtre voulu éminemment local mais à résonnance nationale et internationale. La venue de l’Opéra de Lausanne ici, en 1986, a eu un écho bien au-delà des nos frontières.
Un théâtre à la construction si simple et en même temps si singulière qu’il en devient spectaculaire. Jusqu’à être classé monument historique d’intérêt national. Et cela doit être souligné.
À cet égard, il faut vivement féliciter le conseil de fondation et le bureau d’architecte ainsi que les services fédéraux et cantonaux garants du patrimoine d’avoir réussi à doter le Théâtre du Jorat des ajouts nécessaires à un fonctionnement optimal ainsi qu’à l’accueil du public, tout en préservant l’intégration exceptionnelle du théâtre au sein de son environnement villageois.
Relevons encore que ce n’est évidemment pas par hasard si, depuis 2017, le Théâtre du Jorat fait partie de la Route européenne des Théâtres historiques.
Et comme rien n’est banal avec le Théâtre du Jorat et que tout y est extraordinaire il faut bien sûr souligner la relation particulière, le caractère unique du lien entre ce théâtre et la Confédération, plus précisément entre ce théâtre et le Conseil fédéral.
Mesdames et Messieurs,
En 1907, le fondateur, René Morax, a demandé au conseiller fédéral vaudois Marc Ruchet une aide financière pour la construction du théâtre. Le Conseil fédéral a accepté (en 5 jours !) cette demande en la présentant comme, je cite, « un premier pas vers la création d’un théâtre national ».
Depuis l’inauguration du théâtre en mai 1908, des membres du Conseil fédéral sont très fidèlement et régulièrement venus à Mézières, soulignant ainsi ce lien unique avec le Théâtre du Jorat.
Le conseiller fédéral Giuseppe Motta, en 1931, a très bien résumé la situation en disant, je le cite : « Les membres du Conseil fédéral sont constamment sollicités d’assister à des manifestations qui se déroulent ici ou là (…). Ils sont obligés de décliner ces invitations. Une seule fait exception : c’est Mézières. Et c’est là un privilège que le Conseil fédéral lui conservera tant que subsistera le Théâtre du Jorat. » Il ajouta quelques années plus tard : « si le Conseil fédéral vient régulièrement à Mézières, c’est que son théâtre est un théâtre national ».
Il faut préciser que dans les premières années, c’était ni plus ni moins le Conseil fédéral au complet qui venait à la première de la saison ! Toujours dans cet esprit d’un théâtre national. Il était même nommé familièrement le « Bundesrat Theater », le théâtre du Conseil fédéral avant que le Conseiller fédéral Hans Peter Tschudi, en 1965, tellement , ébloui, convaincu par la magie du lieu, ne lui donne son surnom, si juste et si pertinent, de « Grange sublime ».
Et depuis, me direz-vous ? Depuis, passablement de vent a soufflé dans les forêts du Jorat sans jamais faire s’écrouler l’édifice, sans jamais que ce théâtre ne devienne qu’une grange dont on pourrait revendre la structure pour en faire du petit bois. C’est pourtant ce qu’avait imaginé au départ le fondateur de ces lieux, pour se donner du courage – ou se rassurer – si sa grande idée devait ne pas fonctionner.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’affaire a tourné du bon côté ! Si la chaleureuse et chaude odeur du bois nous accueille encore aujourd’hui – quel bonheur ! – , la programmation, a su se moderniser, rester pertinente.
Celui qui est encore et toujours le plus grand théâtre de Suisse romande a proposé sur sa scène tour à tour autant des légendes locales, telles que Jean-Villars Gilles, que des artistes internationaux comme Goran Bregovic –il semble même que les planches se souviennent encore de sa performance endiablée.
Mais surtout, le Théâtre du Jorat a toujours su rester populaire et accessible. C’est le théâtre auquel on rêve quand on lit Molière ; c’est celui des habitantes et des habitants des villages alentours ; c’est celui qui réunit les amoureux de la scène, des mots, du rire, de l’imaginaire. Un maillage et un vent d’ouverture que font perdurer cette belle idée de théâtre national née le siècle dernier.
L’inauguration de ce jour et ma présence ici en qualité de conseillère fédérale s’inscrit donc pleinement dans cette tradition et cette célébration de la culture.
La culture, indispensable, vitale, plus que jamais … .
Je vous remercie de votre attention.